l’Acf a ouvert une cellule d’écoute et d’orientation pour les femmes victimes de violence

Engagée de longue date dans le combat contre les violences faites aux femmes, l’Action catholique des femmes (Acf) vient d’ouvrir une cellule d’écoute et d’orientation pour celles qui souffrent et ne savent plus vers qui se tourner. Une initiative qui redonne du sens à la mission de ce mouvement féminin d’Église. Par Florence de Maistre.

“Il y a un souci quand on parle de violence, souvent on pense aux coups. Mais elle peut être aussi psychologique, financière, sexuelle y compris au sein du couple. Quand on se marie et que l’on se promet fidélité, la violence ne fait pas partie de l’alliance : les femmes, comme les hommes d’ailleurs, n’ont pas le droit d’accepter ça”, indique Chantal Nguyen, ancienne présidente de l’Action catholique des femmes (ACF). En juin dernier, le mouvement d’Église, également association reconnue d’utilité publique, a ouvert une cellule d’écoute et d’orientation pour les femmes victimes de violences.

L’inauguration s’est déroulée dans le VIIe arrondissement de Paris, dans les locaux de l’Acf, en présence des représentants de la mairie, du commissaire de police et de Mgr Jérôme Angot, curé de la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin. Ce dernier a été heureux de répondre présent à l’invitation de l’Acf. “Ma présence a manifesté l’intérêt de l’Église pour cette cause importante”, confie-t-il. Le service d’écoute est actuellement joignable au 0 806 806 206, le lundi de 13 h 30 à 16 h 30 et le jeudi de 9 h 30 à 12 h 30.

l’ACF remet l’écoute et le soutien des femmes fragilisées au cœur de sa mission

L’initiative s’inscrit dans l’histoire et les engagements du mouvement. Déjà en l’an 2000, l’Acf publiait Les violences faites aux femmes. Briser le silence en s’appuyant sur la parole et les témoignages recueillis au sein des équipes dans toute la France. L’ouvrage est aujourd’hui épuisé. La cause, elle, est loin de l’être. Les chiffres sont toujours alarmants : 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viol chaque année et 213 000 sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année (Insee, enquête Cadre de vie et sécurité 2019). Il ne suffit plus de dénoncer l’injustice. Avec l’ouverture de sa plateforme, l’Acf remet l’écoute et le soutien des femmes fragilisées au cœur de sa mission. “Nous avons souhaité redonner du sens au terme Action de notre nom, agir encore plus concrètement : à 100 % pour la défense des femmes”, poursuit Chantal Nguyen. L’idée d’un lieu d’accueil, d’une maison pour les victimes et leurs enfants est déjà sur toutes les lèvres, mais le projet est très ambitieux en termes de moyens. Première étape : répondre aux appels reçus sur l’antenne d’écoute et d’orientation !

L’importance d’une formation et d’une sensibilisation pour tous les acteurs d’Église

C’est auprès de deux juristes du CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles), et de leur structure d’accompagnement LPLUR’IEL que les cinq premières écoutantes de l’Acf se sont formées pendant près de six mois.

L’écoute est de fait l’un des ingrédients principaux de la démarche proposée dans toutes les équipes d’Acf. Mais l’écoute active, celle qui permet d’entendre au-delà de ce qui est dit, demande un certain apprentissage. “Par rapport aux violences, il faut bien discerner ce que la personne explique au bout du fil. Elle ne dit pas tout au téléphone. Elle est souvent tellement sous emprise. Elle dévoile son parcours tout doucement. Il faut savoir prendre le temps pour bien l’orienter vers les structures d’aide. Nous avons fait plein d’exercices. Il faut être prête à entendre ce qui ne l’est pas, tellement c’est douloureux”, explique Chantal Nguyen.

Cette sensibilisation au sujet de la violence interpelle aussi les responsables d’Église, surtout le réseau de la pastorale familiale. “Nous rencontrons de façon assez fréquente dans l’accompagnement des personnes divorcées ou séparées un grand besoin d’écoute, sans se sentir jugé : un grand besoin de libérer la parole pour se reconstruire. Il serait bon de permettre aux animateurs de ces groupes d’être attentif à ce qui ne se voit pas et de leur donner les moyens de savoir à qui adresser ceux qui ont été ou sont encore victimes de violence. Quand je devine une histoire plus complexe qu’il n’y paraît, quand j’en suis témoin, que puis-je proposer pour aider à sortir d’une situation malsaine, sans prendre la place des professionnels ?” interroge Véronique Lonchamp, directrice adjointe du Service national famille et société (SNFS). Comme pour les écoutantes de l’Acf, l’idée d’une formation et d’une sensibilisation pour reconnaître les signes d’une situation anormale fait son chemin.

Il existe déjà en Église, dans certains diocèses des permanences de conseillers conjugaux et familiaux, des maisons des familles, des lieux d’écoute. Mais les besoins dépassent les capacités d’accueil de ces structures, complémentaires les unes des autres. La plateforme téléphonique de l’Acf s’inscrit dans cet esprit de relation avec les associations déjà débordées et en relai du 3919 Violence femmes info. “Il arrive que des personnes se présentent à la paroisse et confient le récit douloureux de leur histoire de vie. C’est très important pour nous de savoir les orienter vers la bonne porte, vers les personnes en mesure de les aider”, relève Mgr Jérôme Angot. D’autant que les parcours ne se disent souvent que lorsqu’une vraie confiance s’installe et que la confidentialité est assurée. La directrice adjointe du SNPLS évoque ce témoignage reçu récemment. Une jeune femme avait été giflée par son fiancé parce qu’elle avait gagné au scrabble. Son entourage avait minimisé le geste, elle avait sans doute trop fanfaronné à la fin du jeu. “Elle n’a surtout pas été entendue par ses proches. Pour eux ce n’était pas grave. Elle s’est donc mariée, mais a divorcée vingt ans après, parce que cela ne s’est pas arrêté à la gifle. Il y a tout un travail à faire en Église. Nous présentons souvent le mariage comme des efforts à faire vis-à-vis de l’autre. C’est vrai, mais dans la confiance et la liberté”, précise Véronique Lonchamp.

Stéphanie, écoutante, témoigne

Concrètement, depuis la mise en place de la cellule d’écoute et d’orientation de l’Acf, les cinq écoutantes ont déjà reçu quelques appels de femmes. Dont une avec qui, Stéphanie secrétaire aide-comptable, développe une relation de soutien au long cours. Avant les premières permanences, Stéphanie était très inquiète. Elle craignait d’avoir trop d’informations et avait peur de tout oublier. “C’est venu tout naturellement, avec une bonne dose d’empathie. Une autre écoutante était à mes côtés la première fois. Elle était très émue par la façon dont j’ai rejoint la personne au téléphone”, se souvient Stéphanie. Depuis juillet, elle accompagne une femme qui subit des violences intra-familiales, physique et psychologique. “Cette personne me dit combien nos échanges téléphoniques la soulagent moralement. À chaque appel, elle me remercie pour les conseils donnés. Elle progresse dans sa démarche. Des plaintes ont été déposées, un juge a été nommé. Avec elle, je me sens vraiment utile”, partage Stéphanie. L’écoutante s’efforce de diriger son interlocutrice vers des professionnels, psychologues en particulier. Si de retour chez elle, elle repense inévitablement à l’histoire de cette personne, qui fait désormais partie de sa vie, ce n’est pas pour se morfondre, mais pour bien réfléchir à la prochaine étape à lui proposer. Et puis, si la situation devenait plus complexe, elle sait qu’elle peut compter sur l’équipe et les formatrices pour relire ensemble les expériences difficiles.

qui accueille une personne en détresse, accueille le Père

“Nous sommes dans l’équipe toutes plus ou moins touchées par la question des violences. Soit dans nos histoires personnelles, soit dans notre entourage. Je souhaitais m’investir dans un projet concret avec l’Acf. En partageant leur passion, les deux formatrices m’ont donné davantage encore envie d’agir pour aider les femmes”, reprend l’écoutante. Au service de l’Acf, Stéphanie n’est pas croyante. Mais elle trouve un sens profond dans cet engagement au nom d’une profonde humanité, d’une certaine fraternité. “Rien ne me touche plus que la reconnaissance qui m’est exprimée. Aider, rendre heureuse même pour quelques heures seulement est gratifiant. Je ressors grandie de ce service”, révèle-t-elle. Quant aux catholiques de l’équipe, elles savent que le Christ les précède dans cette diaconie. Chantal Nguyen s’appuie sur ces quelques mots : “qui accueille une personne en détresse, accueille le Père”.